Quelles compétences et formations pour la création fulldome ?

“Les Labos Immersifs” avaient lieu en septembre dernier au Planétarium de Vaulx-en-Velin. Cet événement organisé par AADN accueillait plusieurs dizaines de participant·es à un workshop et se concluait par deux tables rondes dédiées aux enjeux de la création fulldome (et plus généralement de la création numérique). Zoom sur ces rencontres qui ont mis le doigt sur un sujet essentiel : la formation des métiers créatifs…

Le panel d’intervenant·es étaient représentatifs des enjeux abordés : des membres de structures de production et de diffusion (La Casemate, Patchlab festival, la SAT, AADN), des artistes spécialiste du fulldome (Dorian Rigal – Minuit, Mourad BNCR) et une représentant·e de la Direction générale de la création artistique du Ministère de la Culture. Autant dire que les visions étaient complémentaires et ont permis d’avoir une sorte de photographie des principaux enjeux de la création fulldome et des arts numériques. Tout d’abord, la première table ronde apportait un aperçu général des différents types de soutien à la création et les principaux réseaux de diffusion nationaux et internationaux des créations fulldome. Puis c’est la question des compétences nécessaires pour la création qui a été évoquée. 

Les dômes 360° – notamment ceux des planétariums – permettent aujourd’hui à une pluralité d’artistes (vidéastes, musicien·nes, metteur·euses en scène, VJ, performeur·euses, danseur·euses…) de travailler collectivement dans cet espace scénique singulier. Dans les structures de diffusion, quelles sont les compétences pour accueillir et accompagner un projet artistique fulldome ? Comment tou·tes les professionnel·les concerné·es se forment ? Existe-t-il une offre de formation adaptée à la création fulldome ? Parallèlement, comment les artistes s’organisent pour échanger sur leurs pratiques ? 

Logiciels & écriture

La première difficulté réside dans le fait de cibler les compétences clés : “Le fulldome implique de créer dans un espace physique et d’avoir des compétences multiples notamment en matière de vidéo, de compréhension scénique, de son…” explique Mourad BNCR, artiste et responsable des résidence à la SAT de Montréal. Même son de cloche pour Dorian Rigal alias Minuit, “C’est vrai qu’il y a une base logicielle importante. Et puis apprivoiser l’espace nécessite un vrai savoir-faire. D’ailleurs ce n’est pas parce qu’on maîtrise un logiciel qu’on maîtrise tout sur les volumes, les couleurs, la lumière etc…” D’une certaine façon, on demande aux artistes numériques d’être de véritables couteaux suisses, alors que dans d’autres secteurs déjà très structurés – comme le cinéma – les compétences sont particulièrement segmentées.

Le point commun de tous les profils artistiques repose sans doute sur les capacités de porter un propos, une vision artistique. C’est en substance ce que dévoile Dorian Rigal : “Avant toute chose, il y a la question du storytelling et de la narration”. Ce dernier point est partagé par l’ensemble des intervenant·es. Elwira Wojtunik et Popesz Csaba Láng, co-directeur·rices du Patchlab Festival de Cracovie l’affirment sans détour : “La narration, l’écriture, est l’un des aspects les plus importants que l’on recherche quand on programme une œuvre”. Dorine Dzyczko de la Direction générale de la création artistique approfondit l’idée “On parle de la création sous dôme mais en réalité on parle de toute la création numérique. Et dans la création, la phase d’écriture est essentielle. On pourrait même dire que la narration est une raison de l’hybridation des disciplines artistiques.”

Favoriser les convergences artistiques

Dès lors, la question de l’hybridation angle différemment le sujet. Si ce sont des lieux de rencontres qui favorisent la naissance de projets hybrides, quelles compétences peuvent favoriser ces rencontres ? Sur ce sujet, le Ministère de la culture a déjà planché sur deux diagnostics Compétences et Métiers d’avenir (dont un, Cunuco Lab, est à l’initiative d’HACNUM et du TMNLab). “Pour amener la danse ou le théâtre sous dôme, il faut comprendre quels sont les codes d’une discipline, comment la profession est structurée. Au-delà des compétences, il faut une interconnaissance. Ça demande de maîtriser le langage, les rythmes de production etc.” affirme Dorine Dzyczko. Comment partager ces connaissances et collaborer avec des partenaires ? Cela dépend évidemment de l’acculturation des acteur·rices. “La SAT, de part la nature de son projet, est déjà habituée, quand d’autres lieux le sont moins. Les centres d’art n’ont pas tous l’habitude d’accueillir ces spectacles. Il y a besoin de former les programmateur·rices, les équipes techniques, les équipes des relations au public, de communication et de médiation. C’est toute la chaîne de la production qu’il faut faire monter en compétences”.  L’équipe du Patchlab festival est certaine de la pertinence de ces convergences, “les collaborations sont vraiment au cœur de la montée en compétences. Pour les équipes du festival  il y a un enjeu d’acculturation des créations numériques. Il faut aller découvrir de nouveaux projets, être ouvert aux nouveaux outils, ouvert à l’apprentissage.”

École, workshops, formations professionnelles…

À ce titre, tou·tes les acteur·rices ont un rôle à jouer. En parallèle d’une formation professionnelle en cours de structuration notamment avec l’AFDAS (OPCO), les écoles de l’enseignement supérieur sont également concernées. “Il faut passer à l’échelle dans les contenus des écoles d’art. Il faut davantage d’enseignements autour de ces nouveaux outils et médias numériques. Le rapport du Ministère a déjà bien balisé ce point.” confirme Dorine Dzyczko. Les établissements culturels et autres structures culturelles telles que la SAT et AADN, ont quant à elles pris le pli en organisant des rencontres entre professionnels de la création fulldome et numérique en proposant des workshops. “Les workshops participent à la formation des artistes, sans aucun doute. On prend le parti que les participant·es vont apprendre par “le faire”. Ici 3 jours de workshops permettent de monter en compétences et d’apprendre avec des professionnel·les qui ont déjà rencontré les mêmes contraintes ou problématiques.” explique Amélie Godart, responsable de l’action culturelle chez AADN. Mourad BNCR complète “Les workshops qui existent répondent à un besoin direct des communautés artistiques.” Et puis évidemment il faudra aussi compter sur les créateur·rices qui ont su s’adapter pendant des années d’absence de formations. “Les artistes s’organisent entre communautés pour partager des tips, des nouvelles méthodes, des découvertes, échanger sur des centres d’intérêt. C’est d’ailleurs en se regroupant qu’on voit parfois émerger de belles initiatives. Par exemple, entre artistes, lorsqu’on a pas d’outils vraiment adapté, on a créé notre propre outil. C’est l’art du détournement, du hacking, de l’auto-apprentissage.” confie philosophiquement Mourad BNCR. Voilà bien une qualité qu’on reconnaîtra aux artistes numériques !

Rédaction Adrien Cornelissen