Article publié le 25/04/2024
Temps de lecture : 4min
C’était la 7ème édition pour Immersity. Organisé par le Pôle Magelis à Angoulême, cluster créatif axé sur la culture et les industries numériques, le festival vise à réunir annuellement, créateur·ices et producteur·ices de XR. Ces professionnel·les échangent sur les nouvelles narrations et explorent les défis de la distribution et de la production dans le secteur. Extraits de cette dernière édition.
Des enjeux de financement aux problématiques de médiation en passant par des études de cas, les sessions et conférences étalées sur deux jours ont couvert plusieurs sujets et thématiques. L’occasion de découvrir un aperçu diversifié de l’état actuel et des perspectives de la réalité étendue (XR) en France et au-delà. Stimulée par l’intérêt pour le programme France 2030 (cf. appel à projets “Expérience augmentée du spectacle vivant” en 2021 ; appel à projets “culture immersive et métavers” en 2024), ainsi qu’un regain d’activité post-Covid dans le secteur de la XR et du divertissement comme le souligne son programmateur Mathieu Gayet, cette édition a vu une augmentation significative de la participation. À mi-chemin entre jeu vidéo, spectacle vivant, cinéma et arts numériques, les opportunités ne manquent pas pour que la narration immersive trouve enfin sa voie dans le paysage artistique et culturel français, mais les obstacles aussi sont nombreux…
Une diversité de réalités
La XR souffre d’un vilain défaut : la diversité du matériel et des plateformes de développement est un frein important à sa démocratisation. “Réalités virtuelles”, “mixtes” ou “étendues”, “informatique spatiale”, les constructeurs semblent loin d’une nomenclature commune, et encore moins d’une nécessaire normalisation technique. Mais cette diversité est une force, puisqu’elle offre une richesse de formats unique pour un médium en plein développement. “[dans l’immersif] il n’y a pas de standardisation, il n’y a pas de projets types”, défend Maïté Labat, consultante numérique, éditorial, audiovisuel et innovation chez PiXii. Mais elle est aussi une faiblesse puisqu’elle complexifie la création et la diffusion : deux œuvres immersives peuvent nécessiter des dispositifs et des enjeux de médiation complètement différents (lire l’article Faut-il repenser la diffusion à l’heure la XR ?).
“On sait tous qu’avec les casques de réalité virtuelle, c’est toujours compliqué quand il y a des manettes, les gens appuient sur tous les boutons. Là, on voulait quelque chose de très simple, surtout qu’on s’adresse à un public de novices avec un temps d’installation assez court.” indique Charles Ayats, designer et réalisateur d’expériences interactives. Ce dernier a fait le choix pour sa dernière co-création No Reality Now de s’inspirer des jumelles d’opéra pour faciliter la prise en main des casques mis à disposition du public, en la rapprochant d’une manipulation gravée dans l’inconscient collectif. À défaut de standardisation, la filière française tend à miser sur la collaboration : méthodologies de création, formats narratifs, retours d’expériences. Immersity s’inscrit dans cette volonté de partage et de mise en commun pour faciliter la diffusion et pourrait s’étendre au partage de fonctionnalités techniques et technologiques.
Accompagner les publics
Deuxième écueil, “La plupart du temps, 2/3 des gens n’ont jamais mis un casque VR”. Posé par Elie Séonnet, réalisateur de films documentaires, le constat est unanimement partagé parmi les invités.
“Le grand public peut concrètement voir la VR dans les salles de jeux immersives, et de temps en temps dans les musées notamment à Paris” précise Nataliya Velykanova, fondatrice et directrice artistique (Gate22). C’est un fait, la narration immersive reste de part ses spécificités techniques et narratives, une exception dans le paysage médiatique. En dehors du jeu vidéo et de quelques installations muséographiques, les espaces dédiés sont rares et les lieux d’accueil souvent frileux à l’idée d’accueillir de tels projets, notamment dans le spectacle vivant.
Diverses initiatives tendent à remédier à cela. C’est par exemple le cas du VR Bus présenté par Elie Séonnet dans un bus de ville. Ce dernier dispose d’une quinzaine de postes de visionnages immersifs proposant divers évènements autour d’Evry dont le festival itinérant “Pop Up Xperience”. C’est aussi le cas de Nu:Reality, présenté par Camille Lopato (Diversion Cinema) qui propose des évènements clé-en-main pour intégrer la réalité virtuelle dans la programmation hebdomadaire de cinémas néerlandais, ou encore d’Unframed Collection, une plateforme de distribution d’expériences immersives spécifiquement dédiée aux lieux de culture.
Conforter la place de la France
Encouragée par les pouvoirs publics, la création immersive reste encore fragile, tant qu’un écosystème de diffusion stable et pérenne n’arrivera pas à maturité. Cela n’empêche pas la filière hexagonale, entre expérimentations artistiques, contraintes techniques et économiques de poursuivre son développement. Plusieurs récompenses attribuées ces derniers mois l’illustrent : la création immersive française est appréciée et reconnue sur la scène internationale. Ce fut notamment le cas lors de la Mostra de Venise, qui a décernée en 2023 le prix de la réalisation à l’expérience immersive Empereur de Marion Burger et Ilan Cohen (Atlas V, France Télévisions Nouvelles Écritures), ainsi que le prix spécial du jury à Flow d’Adriaan Lokman (produit par le studio français Lucid Realities). Sans oublier Noire / Colored, adaptée du livre et de la pièce de théâtre de Tania Montaigne (studio Novaya et Centre Pompidou) récompensé fin 2023 aux Thea Awards (USA), ou tout récemment au Luxembourg City Film Festival. Après la Mostra, le festival de Cannes vient à son tour d’annoncer le lancement de sa compétition immersive pour sa 77ème édition.
Quelle que soit le bout de la corde – côté artistes ou distributeurs-diffuseurs – il faudra créer des espaces de dialogue pour envisager sereinement le déploiement de la XR. En ce sens, l’édition 2025 d’Immersity aura un beau rôle à jouer !
Rédaction Romain Astouric
Pour aller plus loin, découvrez la vidéo de fabrication des casques VR amovibles de Dark Euphoria.
L’auteur de l’article Artiste, créateur et enseignant, Romain ASTOURIC se passionne depuis plus de 10 ans pour les synergies créatives entre Art, Design et Technologie. Ingénieur diplômé d’un Master de Recherche en Art Numérique, il est enseignant FabManager en école d’ingénieurs de 2015 à 2022, et poursuit désormais librement ses thématiques de recherche et de création générative. Membre du conseil d’administration du réseau HACNUM, il a également fondé Futur Antérieur, newsletter et podcast dédiés aux Art Numérique francophones accompagnés du plus vaste répertoire gratuit sur le sujet. |
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