Article publié le 05/09/2023
Temps de lecture : 3min
Space Explorers L’INFINI
@Adil Boukind
Les lieux de diffusion du spectacle vivant doivent adapter leurs pratiques professionnelles afin d’accueillir des spectacles XR. Les 12 et 13 juillet derniers, au Grenier à Sel, était organisée une table ronde intitulée : Scènes hybrides et virtuelles, de nouveaux challenges pour les lieux de diffusion. Retour sur un événement organisé par Dark Euphoria (membre du réseau), Le Grenier à sel, La French Tech Grande Provence, et depuis cette année, par la Villa Créative, et en partenariat notamment avec HACNUM.
La table ronde, animée par le journaliste Adrien Cornelissen, rassemblait Pierre Lungheretti, directeur délégué du Théâtre National de Chaillot, Myriam Achard, cheffe partenariats nouveaux médias et PR du Centre PHI (Montréal, Québec) et François Vienne, directeur général adjoint du Festival d’Aix-en-Provence. Elle abordait les enjeux rencontrés par les institutions culturelles face aux expériences numériques dans le spectacle vivant.
Comment, dans l’espace-temps du spectacle, les dispositifs de réalité virtuelle permettent de vivre de nouvelles expériences ? Quelles contraintes techniques ces nouvelles scénographies et ces nouveaux moyens de diffusion rencontrent-ils ? Quels enjeux principaux rencontrent les établissements culturels ?
La médiation au centre de toutes les attentions
Les spectacles qui se déploient dans le monde physique et dans le monde virtuel permettent la diversification des écritures et le renouvellement des propositions artistiques. Premier enjeu pour les lieux de diffusion : celui de la médiation et de l’accès au dispositif de réalité virtuelle qui permet, lui, d’accéder au spectacle. Les casques de réalité virtuelle nécessitent souvent un accompagnement et une médiation appropriée. Afin de pallier la fracture numérique et de démocratiser l’accès à ces spectacles hybrides ou virtuels, des solutions sont proposées, notamment par le Centre PHI de Myriam Achard avec le “VRtoGo”, un système de réalité virtuelle à la demande qui se fait par le biais d’une location de casques sur lesquels seule l’œuvre demandée est accessible. L’application installée, qui se lance au démarrage du casque, mène directement le·la spectateur·ice dans la bonne direction pour que l’accès à la création puisse se faire en autonomie, avec le moins de charge technique à prendre en main. L’accent doit donc être mis sur la formation des équipes de médiation et leurs échanges avec les artistes. “À l’occasion du Bal de Paris, les médiateur·rices ont travaillé de façon rapprochée avec Blanca Li. C’est une source de motivation très forte pour les équipes qui ont beaucoup d’excitation à partager avec les créateurs.” confie Pierre Lungheretti.
Un temps de spectacle et de diffusion plus adapté
Un autre enjeu se pose : les spectacles ainsi conçus ont une écriture contractée en regard des spectacles de théâtre ou d’opéra qui sont pensés dans le monde physique. Porter un casque de réalité virtuelle pendant une heure peut être physiquement éprouvant. Ainsi, contracter les temps de spectacles permet de les rendre plus confortables mais surtout de donner accès à un plus grand nombre de visiteurs dans le temps, le matériel étant occupé sur des plages horaires plus courtes. In fine cela profite à l’équilibre financier de la diffusion d’un spectacle. Explication par Myriam Achard :“Il existe des œuvres qui accueillent beaucoup plus de public. Par exemple, le spectacle L’infini dure environ une heure et a accueilli plus de 350 000 visiteurs.”
Comment cela pu être possible ? D’abord en imaginant une ingénierie culturelle où l’exploitation de l’œuvre XR se fait sur plusieurs mois. Les établissements culturels doivent créer des temps de programmation plus longs, qui correspondent à ces hybridations numériques ne pouvant s’amortir que sur le temps.
Favoriser les hybridations et nouer des partenariats
L’élaboration de spectacles vivants par le biais du numérique permet de proposer une nouvelle collaboration entre artistes et auteur·rices et des laboratoires pluridisciplinaires. Un véritable écosystème d’accompagnement, aussi bien autour de la narration, que du mouvement, mais aussi du son, du décor, etc. est déployé. Ces croisements permettent des expérimentations qui sont habituellement irréalisables sur un plateau. Cette richesse et cette pluridisciplinarité poussent les institutions à concevoir des alliances, ces projets étant coûteux à porter et à mener. On observe alors une synergie entre les entreprises qui proposent expertise et ingénierie et les institutions publiques. Cela permet ainsi de réaliser des investissements d’envergure qui permettent de mettre à disposition des artistes des méthodologies et des techniques comme des tenues de motion capture, souvent inaccessibles en dehors de ces échelles de production. Ces nouvelles collaborations entre les différents acteurs du numérique sont mises en place de manière durable et permettent, pour le spectacle vivant virtuel, des résidences d’écriture, de production ou des stages, ainsi que de penser leur médiation, leur modes de diffusion et de représentation et leur accessibilité en réseau.
Il s’avère ainsi, au regard de ces enjeux et de ces apports, que la XR n’agit pas contre le spectacle vivant, bien au contraire : les deux sont complémentaires, tant dans leur conception ou dans leur accès que dans les moyens qui sont mis en œuvre pour la mettre en place. ‘L’expérience immersive ne supprime pas le spectacle vivant, elle le complète.” conclut parfaitement François Vienne.
Rédaction Alix Desaubliaux
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