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CEPIR : publication d’une ambitieuse étude sur le coût écologique de la XR 

Article publié le 07/03/2024

  • #IMPACT

Temps de lecture : 6min

CEPIR (Cas d’Étude pour un Immersif Responsable) a réalisé un travail de fond pour connaître les impacts environnementaux de la XR (VR/AR/MR). Cette étude dévoile une multitude de livrables. Parmi eux, une synthèse des travaux réalisés, un calculateur carbone ou un guide de bonnes pratiques pour les professionnel·les du secteur.
Zoom sur cette initiative référence pour le secteur de la XR et les acteur·rices de la création numérique.

Dès août 2022, des professionnel·les du numérique et des professionnel·les de l’économie sociale et solidaire – Tiny Planets, Novelab, Coopérative Carbone – ont initié un ambitieux projet pour identifier l’impact écologique de la XR. Soutenu à hauteur de 70 % par l’État dans le cadre du dispositif France 2030, le CEPIR a fait son chemin et dévoile enfin ses résultats, publiés en open source. “L’objectif est d’avoir une étude référence pour le secteur de la XR et qui permettra de structurer tout un secteur pour les prochaines années. La première étape de l’étude a été de comprendre les impacts environnementaux. Jusqu’à présent il n’y avait pas de réelles données publiques sur le sujet.” explique Amaury La Burthe, co-initiateur du CEPIR. Les livrables présentés le 28 février 2024 apportent une réelle plus value sur de nombreux aspects. Amaury La Burthe poursuit, “L’idée est de constituer un solide corpus de documents. Les expert·es du CEPIR ont ainsi analysé l’ACV de casques VR (ndlr analyse du cycle de vie), leur impact carbone, sur l’eau et les ressources amniotiques. Il y a aussi des fiches de bonnes pratiques pour la conception, la production et la diffusion. Un rapport final et un calculateur carbone, sous forme de fichier excel et joint avec une notice, sont également téléchargeables. Enfin, nous avons tenu à rédiger une analyse prospective “La XR à l’horizon 2030. Projection dans les futurs possibles” avec des scénarios potentiels.” Une vidéo rétrospective du CEPIR est également publiée.

La méthodologie : cas concrets et expertises

Propulsé par Landia Egal (Tiny Planets), Amaury La Burthe (Novelab) et Marie-Véronique Gauduchon (Coopérative Carbone), puis rejoint par d’autres expert·es (comme Etienne Lees-Perasso ou Julie Delmas-Orgelet pour les ACV, Benoît Ruiz pour les standards européens, la bibliographie, la prospective ou Benjamin Ninassi pour la création de la calculette carbone…), le CEPIR a l’originalité de rassembler d’autres partenaires (Diversion cinema, The Shift Project, Ecoprod…) de manière à s’appuyer sur des expertises transversales et des cas concrets d’acteur·rices de terrain. “Par exemple, l’évaluation de l’empreinte carbone a été réalisée à partir de deux œuvres VR : Umami (2018) et Okawari (2022). L’impact d’Unami a été étudié a posteriori de sa création et de sa diffusion. En revanche pour Okawari, nous avons étudié l’impact dès les premiers jours de la création du projet en réfléchissant aux indicateurs GES à prendre en compte.” détaille Amaury La Burthe. Certes, si ces émissions de gaz à effet de serre sont une clé de lecture restrictive – notamment au regard des 9 limites planétaires et dont le dérèglement climatique n’est qu’une partie – elles permettent néanmoins d’avoir un premier aperçu du coût écologique de la XR. “Le carbone est une donnée déjà très documentée et fiable. On connaît le facteur d’émission des déplacements en voiture en moyenne en France ou celui de la consommation électrique. Bien qu’incomplet pour représenter la diversité des impacts environnementaux, c’est un indicateur qui permet d’amorcer un changement de trajectoire pour les prochaines années.” explique le co-initiateur du CEPIR.

Les principaux enseignements de l’étude 

Alors que dire des principaux enseignements à tirer du CEPIR ? 

Le bilan carbone d’Okawari

– Hors déplacements des festivalier·es, les 4 principales émissions de GES sont réparties à 26% sur la consommation énergétique et le bâtiment / 26% sur l’hébergement et la restauration des membres de l’équipe / 20% sur les déplacements / 18% sur le numérique et l’informatique (le reste étant sur diverses dépenses de fonctionnement). 

– Le déplacement des publics ayant vu l’œuvre (au festival de Venise, Lumières sur le Quai et IFDA ) a également été estimé. “Par exemple, quand un festivalier vient de Montréal et qu’il voit 10 œuvres on calculait 1/10 pour l’impact de l’œuvre.” explique Amaury La Burthe. En ajoutant cette donnée, les déplacements des festivaliers représentent à ce jour 78% du Bilan Carbone de l’œuvre.
– La conception-fabrication de l’œuvre équivaut donc à 12 tCO₂e et sa distribution en festivals 53 tCO₂e (soit un total de 65 tonnes). Rappelons que l’estimation de l’empreinte individuelle annuelle des Français·es serait d’environ 8 tCO₂e pour l’année 2023 (source ADEME). 

L’analyse des cycles de vie des casques

L’équipe du CEPIR a démonté 4 casques anonymisés et leurs manettes, et a pesé ou mesuré les différents composants selon 16 critères environnementaux. Ces ACV ont conduit à la synthèse de deux facteurs d’émissions : le premier pour les casques VR avec un écran LCD, et le second pour les casques VR avec un écran OLED, car le type d’écran a un impact significatif sur l’empreinte carbone de la fabrication des casques. Quelques enseignements : la dalle LED représente la majorité des impacts environnementaux. Les facteurs d’émissions additionnels, tels que les batteries, les manettes VR ou les terminaux (box internet, ordinateur, etc) ont également été investigués avec de multiples données de gCO2e/heure. Cela représente un calcul complexe au regard des types de production d’électricité. In fine, voici les données retenues :

– Casque VR écran LCD + 2 manettes = 50 kgCO₂e/pack (fabrication et distribution)

– Casque VR écran OLED + 2 manettes = 92 kgCO₂e/pack (fabrication et distribution)

– Consommation d’énergie fossile : la fabrication et le transport d’un casque VR et de ses manettes consomment l’équivalent de 27 litres de pétrole en moyenne.
– Consommation d’eau : la fabrication et le transport d’un casque VR et de ses manettes consomment de l’ordre de 100 m3 d’eau, soit l’équivalent de la consommation annuelle de deux Français·es.

Des données à comparer avec celles issues du bilan carbone du dernier Apple Vision Pro (335kgCO₂e au total dont 207,7 pour la fabrication) récemment publié par Apple. 

Quid de la suite ? 

Tous ces chiffres mentionnés précédemment (parmi d’autres données toutes aussi intéressantes) offrent un cadre pour que les professionnel·les du secteur puissent agir de façon concrète. C’est dans cette optique que le CEPIR publie sa calculette carbone permettant d’évaluer ses émissions et notamment dans différents cas de distribution d’une œuvre XR (matériel acheté / loué / mutualisé / ou œuvre diffusée en ligne). La structure Diversion cinema s’est prêtée à l’exercice pour perfectionner la calculette. “En quelques semaines, grâce à cet outil, on peut avoir une idée précise de l’impact carbone de sa structure” assure Marc Lopato, co-fondateur de Diversion cinema, à l’occasion du webinaire d’annonce des résultats du CEPIR. 

La calculette permet d’estimer : 

1. Émissions directes (aussi appelées “scope 1”) : consommation d’énergie fossile (sources fixes, bureaux et mobiles, véhicules) et fuites de gaz frigorifiques ;

2. Émissions indirectes liées à l’énergie (aussi appelées “scope 2”) : consommation d’électricité (et réseau de chaleur/de froid) ;

3. Émissions associées au transport : déplacements professionnels, déplacements domicile-travail, déplacements des visiteurs, fret entrant et fret sortant ;

4. Émissions associées aux achats : achats de biens et services, immobilisations, déchets ;

5. Émissions associées aux produits et services vendus : utilisation et fin de vie des produits et services vendus, pour la filière XR : fabrication et utilisation des terminaux (casques VR, batteries externes, ordinateurs, sac à dos …), fabrication et utilisation des réseaux et des centres de données et déplacements des utilisateurs (festivals, installation in situ).

Bonnes pratiques et prospectives

S’appuyant sur des rappors scientifiques (ITU), le CEPIR estime le budget carbone individuel en 2030 pour le numérique de 53 kgCO₂e/habitant /an tout compris (terminaux, centres de données et réseaux). Ce budget carbone individuel de 53 kgCO₂e/habitant.an en moyenne mondiale est à comparer à ceux obtenus à partir des émissions modélisées dans le scénario Ademe-Arcep 2030-2050, “Sobriété – génération frugale” pour 2030 et 2050 : 210 kgCO₂e/habitant.an en 2030 et 136 kgCO₂e/habitant.an en 2050, qui sont trois à quatre fois plus élevés. C’est dans cette optique que le CEPIR publie une synthèse prospective à l’horizon 2050, ainsi qu’un guide de bonnes pratiques pour la XR, inspirées du Guide de l’animation écoresponsable proposé par Ecoprod et La Cartouch’Verte. 26 fiches pratiques ont donc été rédigées (sur la partie conception, sur l’optimisation des rendus graphiques, et sur l’après livraison d’un projet XR). Chaque fiche a des métriques indiquant les efforts de mise en place, les efforts financiers, les gains économiques et environnementaux. 

“Beaucoup de  scientifiques et expert·es s’accordent à dire qu’on va vivre une contraction énergétique. Il n’y aura sans doute pas assez de ressources pour soutenir la croissance du numérique que nous avons connu ces dernières années. La vraie question est comment on mesure les contributions positives et négatives et priorise les actions. Nous allons maintenant voir comment le CEPIR peut continuer sa mission : on va discuter avec nos partenaires, mutualiser les ressources et faire des ponts avec d’autres secteurs.” conclut avec pragmatisme Amaury La Burthe. 

Rédaction Adrien Cornelissen 

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