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EliXR : une étude visant à défendre les droits des créateur·rices numériques

Article publié le 28/06/2024

  • #RETEX

Temps de lecture : 5min


Difficilement identifié·es malgré les nombreux efforts de médiations, les artistes du milieu de la création numérique ne sont pas épargné·es par la précarité et sont victimes d’un flou juridique dû aux évolutions rapides des formats et des outils techniques (dont l’IA et ses usages sont l’un des symptômes). Un constat essentiellement basé sur des observations qui nécessitait une étude. Celle-ci a récemment été menée par l’association EliXR. Décryptage.

Fondé à l’initiative d’un collectif de créateur·rices d’œuvres numériques, EliXR (Union des indépendant·e·s de la création numérique) est à l’origine d’une vaste enquête visant à étudier les réglementations et la rémunération de l’écosystème artistique numérique. « Nous nous sommes rassemblé·es à un moment où notre secteur commençait à se structurer, avec l’apparition d’associations, alliances et conseils tels que PXN, l’AFXR, French Immersive Studios puis le CNXR. Les producteurs et les studios se réunissaient pour faire évoluer la création numérique, mais il n’y avait aucune structure pour défendre les droits des auteur·rices et créateur·rices. » explique Alice Lepetit, interactive designer et réalisatrice, aujourd’hui secrétaire de l’association.

Fédérer les créateur·rices du numérique

Principalement composée de réalisateur·rices, auteur·rices, interactive designer, metteur·euses en scène créant des œuvres XR, l’initiative regroupe rapidement d’autres praticien·iennes de la création. « Aujourd’hui, nos adhérents viennent de secteurs variés, entre l’art numérique, le cinéma et la XR, le jeu vidéo, le spectacle vivant. Nous accueillons aussi des profils de sound designer, 3D artistes, game designers, scénaristes… » poursuit Charles Ayats, experience designer et réalisateur, membre co-fondateur de l’association. « Pour nous, il était important de fédérer plus largement autour d’œuvres souvent polymorphes en termes de formats et de technologies. » continue-t-il.

On l’a compris, l’objectif premier d’EliXR est donc de permettre aux artistes de s’entraider face à des schémas de création et de diffusion souvent complexes. Pour cela, l’association met en place des ateliers, propose des partages d’outils et de ressources et des temps d’échange. « L’association a vocation à unifier nos revendications et à mettre en place des standards qui valorisent le travail de création auprès de nos interlocuteurs et des acteurs des différents secteurs de la création numérique. »

Les raisons d’une mobilisation

Pour les tenants de cette initiative, la précarité, en premier lieu financière, des créateur·rices dans ce domaine s’est vite avérée un sujet prépondérant. C’est du moins ce qu’il ressort des échanges entre professionnel·les du milieu. Accompagnée d’un sentiment permanent d’être mal défendue au niveau contractuel et juridique, la situation n’est parfois plus tenable pour les intéressé·es. « Nous avons rapidement voulu lancer cette enquête pour dresser un état des lieux qui puisse être représentatif de notre secteur, d’une part pour que nos revendications reposent sur des chiffres concrets, et d’autre part pour comprendre les besoins de notre communauté et proposer des solutions adaptées », développent Alice Lepetit et Charles Ayats. « Par ailleurs, la difficulté principale au niveau juridique, et donc financier, de nos industries créatives réside dans la pluralité des formats. Les habitudes contractuelles ne sont pas les mêmes entre le spectacle vivant, l’audiovisuel, et l’art numérique, et les jeux vidéo d’auteur car les modes de diffusion et les recettes sont très différents d’une œuvre à l’autre. Pour proposer des outils communs à tous, nous avons besoin de réaliser cette cartographie des usages. Nous souhaitons comprendre les enjeux de chaque secteur créatif afin de proposer des outils qui conviennent à la diversité des œuvres. Enfin, la motivation de cette enquête réside aussi dans le besoin de représenter au mieux les créateur·rices, de parler d’une seule et même voix pour communiquer avec discernement et assurance auprès des producteurs, des diffuseurs et des institutions » concluent nos deux interlocuteurs.

Objectifs et indicateurs de l’enquête EliXR

Les objectifs de l’enquête sont multiples : d’abord, mieux connaître la communauté EliXR et plus largement les profils des créateur·rices numériques francophones. Ensuite, évaluer le niveau de connaissances juridiques des créateur·rices pour cerner leurs besoins actuels en termes d’accompagnement. Enfin, mesurer des moyennes au niveau des honoraires et des cessions de droits, pour proposer des outils qui permettent d’améliorer les rémunérations, tout en prenant en considération les réalités économiques des œuvres. « L’enquête est construite en deux temps, racontent les intéressé·es. Une première partie du questionnaire vise à connaître les profils des créateur·rices numériques : leur métier, niveau d’expertise, niveau de revenu et fréquence des bourses obtenues, les formats de leurs œuvres, leur(s) territoire(s) et langue(s) de travail, etc. La seconde partie cible des questions précises sur leurs pratiques juridiques et financières : tarification des honoraires et cessions de droit, typologies des contrats et mode de rémunération, etc. » ajoutent-ils·elles.

Parmi les indicateurs relevés, la détérioration des relations créateur·rice/producteur·rice et les tensions qui s’accumulent autour des questions de rémunérations trop faibles, au regard du temps investi, sont prédominantes. Cela s’accompagne d’une lassitude due à un manque de reconnaissance et de l’absence d’une rémunération proportionnelle juste et appropriée aux recettes générées par l’œuvre finale.

Le deuxième indicateur, directement lié au premier, est la qualité inconstante des œuvres dans le milieu de la XR, malgré une industrie en voie de structuration. « Pour les créateur·rices, il y a une certaine frustration à voir que certaines œuvres présentées en festivals ou sur les stores ne semblent pas abouties, tant au niveau technique qu’artistique. Chez EliXR, nous sommes persuadé·es qu’une meilleure estimation et valorisation du travail des créateur·rices impacterait directement le secteur de l’immersif, pour nous permettre d’atteindre le niveau d’exigence du cinéma ou du jeu vidéo auquel nous aspirons », expliquent les deux responsables de l’initiative.

Les différentes étapes du projet

Cette enquête est la toute première étape d’un projet plus ambitieux au sein d’EliXR. Ses acteur·rices souhaitent récolter le plus de réponses possible dans les mois qui viennent et se servir du bilan pour avancer sur les missions suivantes :

●  L’écriture d’un guide à destination des créateur·rices numériques pour les aider à comprendre leurs droits et apprendre à estimer la valeur de leur travail.
● La rédaction d’un contrat type commenté par des avocats et juristes pour servir de base à des typologies variées d’œuvres numériques.
● La mise en place d’un outil de calcul ou grille de référence pour aider les créateurs et producteurs dans l’estimation d’une rémunération juste et proportionnée.
●  La création d’une charte de bonne pratique entre créateur·rice et producteur·rice, dans la continuité de celle réalisée par HACNUM pour l’accueil d’œuvres et d’artistes, afin d’engager les parties vers des relations plus respectueuses et transparentes.

Conclusions préliminaires de l’enquête

Selon les intéressé·es, les premiers résultats de l’enquête ont révélé de grandes lacunes juridiques dans le secteur de la création numérique, puisqu’à ce jour (les chiffres sont amenés à évoluer), la moitié des répondants disent “rarement”, ou ne “jamais” signer de contrat avec les producteurs ou diffuseurs de leurs œuvres, ce qui est illégal en France. Un indicateur très fort qui encourage EliXR à poursuivre l’enquête et à créer des outils qui puissent servir à tous les acteurs de cette industrie culturelle. 

Les membres d’EliXR sont actuellement en discussion avec la SCAM pour un partenariat autour du contrat type. “Nous dialoguons avec PXN pour que nos outils soient adaptés aux réalités des producteurs. Enfin, nous travaillons actuellement sur un projet de Forum EliXR, prévu pour février 2025, un événement interprofessionnel en partenariat avec Le Forum des Images, pour échanger autour des questions soulevées par l’enquête, afin d’éprouver nos solutions dans le cadre d’ateliers pratiques.” concluent les membres d’EliXR.

HACNUM s’est également emparé de ces problématiques en travaillant sur une charte des bonnes pratiques l’accueil d’artistes et d’œuvres. Fruit d’une réflexion menée pendant un an par Thierry Fournier et Gaëtan Gromer avec les contributions de nombreux·ses acteur·rices du réseau (producteur, diffuseur, artistes, etc.), cet outil a pour objectif de fournir un guide clair et pratique pour promouvoir des pratiques d’accueil respectueuses et équitables envers les artistes. Votée lors de l’Assemblée Générale de HACNUM en juin, elle représente un engagement fort en faveur de l’innovation artistique et sociale et un point de départ pour penser l’accompagnement au modèle économique des structures du réseau. 

Rédaction Maxence Grugier

Pour suivre l’initiative sur les réseaux sociaux : Facebook | Linkedin | Le discord de l’association


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