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Makerland Reims : la création numérique au coeur des fablabs 

Article publié le 28/05/2024

  • #RETEX

Temps de lecture : 4min

© Romain Ducros

Les 17 et 18 mai, Reims a accueilli le premier volet de l’édition 2024 de Makerland, « festival des makers du Grand-Est ». Une session dédiée aux professionnel·les a notamment exploré le rôle des fablabs dans le développement de projets artistiques et créatifs. Résumé de l’impact des fablabs dans la création et illustrations à travers plusieurs projets accompagnés sur le territoire du Grand-Est. 

Abréviation de « fabrication laboratory », le “fablab” est né au MIT en 2001. Ces lieux permettent de prototyper, fabriquer et expérimenter en utilisant des outils numériques avancés dans un environnement collaboratif et ont un impact majeur pour la création.

L’impact des fablabs sur les pratiques artistiques 

L’accès à des moyens de conception et de fabrication numérique contribue en effet à transformer la pratique des artistes et des designers. Comparativement à la sous-traitance ou aux partenariats industriels, les fablabs offrent une flexibilité et une accessibilité directe aux outils et aux machines, facilitant ainsi le prototypage et la production. Géraldine Taillandier, directrice générale de Saint-Ex qui participait à l’événement Makerland, souligne que « Les fablabs enrichissent les possibilités de création et d’expérimentation et permettent une autonomie accrue des artistes. » Des changements de pratiques qui nécessitent l’acquisition de nouvelles compétences. « Si certains artistes y viennent par appétence, d’autres sont poussés par des contraintes économiques mais se retrouvent agréablement surpris par la liberté créative qu’ils acquièrent ». Ces transformations sont aussi induites par la dimension collaborative des fablabs, vecteur de synergies entre usagers, et avec le territoire et l’écosystème. Le réemploi des matières, souvent pratiqué dans les fablabs, illustre parfaitement l’impact que ces environnements peuvent avoir sur les pratiques des usagers, générant ainsi de nouvelles collaborations, de la valeur et de l’innovation. Ces dynamiques collectives rappellent l’esprit du Bauhaus, où l’artisanat, les techniques et les pratiques artistiques dialoguaient pour créer des objets et des œuvres innovantes et interdisciplinaires.

Mémoire d’Huron © ramel·luzoir

L’impact sur les métiers de l’accompagnement

Pour toutes ces raisons, les fablabs transforment aussi les métiers d’accompagnement des projets artistiques. « On apprend en faisant ensemble – c’est de la co-opération », explique Géraldine Taillandier. « Ce qui fait la force des projets et permet de le faire aboutir, c’est une communauté de pratiques qui mutualise, réfléchit, échoue et réussit ensemble. » Les partenariats de Saint-Ex avec l’Université de Reims, par exemple, contribuent à l’accompagnement des artistes. La spécificité de cette approche peut avoir un impact sur l’accès aux financements, alors même que les fonds de création numérique et les subventions locales sont essentiels à leur réalisation. Pour Géraldine Taillandier, « Ces projets sont plus difficiles à défendre auprès des financeurs parce qu’on écrit un projet sur le papier et ce qui va ressortir ne sera pas forcément ce qui a été écrit au départ. » Les professionnel·les qui produisent et accompagnent ces projets doivent fournir « un travail de dialectique, de sémantique et de diplomatie ».

© Romu Ducros

Illustrations concrètes de projets créatifs en région Grand-Est

Le concept de fablab a essaimé dans le monde entier, formant une vaste communauté de makers aux profils variés. Les fablabs ne sont généralement pas dédiés à une seule typologie de projets, mais ils peuvent adopter une orientation particulière en fonction de leur contexte ou de leur communauté. Dans le Grand-Est, trois fablabs spécialisés dans la création numérique offrent un cadre unique pour le développement de projets artistiques et de design et accompagnent des projets créatifs singuliers. 

Saint-Ex, culture numérique (Reims)
Le fablab de Saint-Ex célèbre en 2025 ses dix ans d’existence. Situé dans un centre culturel dédié à l’expérimentation et la diffusion des cultures numériques, il accueille divers publics – retraité·es, adolescent·es, étudiant·es, chercheur·euses, entrepreneur·es, artistes et designer·euses, etc. – et catalyse les rencontres. Trois à quatre artistes y bénéficient chaque année d’un accompagnement sur mesure de 25 heures pour réaliser une œuvre, à l’image de Grégoire Gamichon, designer graphique et artiste numérique. Son projet Remanenc.es fait appel à des QR-codes intégrés à des carreaux de faïence pour donner accès à la mémoire immatérielle des lieux et permettre d’y contribuer. Associer un artisanat d’art millénaire avec des technologies modernes a nécessité un important travail de prototypage, rendu possible par les machines et les compétences du fablab.

AV Lab (Strasbourg)
AV Lab gère et anime le fablab des « Les Ateliers Éclairés », tiers-lieu de 1000m2 dans le Quartier de la Coopérative. Il regroupe une quinzaine de résidents créatifs, mêlant la conception et la fabrication numérique, les arts visuels et technologiques et l’artisanat. Le fablab accueille autant des particuliers et des professionnel·les – notamment des designers – pour des usages allant de la réparation à la sculpture, sur des machines et outils numériques ou plus traditionnels, comme un atelier bois. Parmi les projets développés au AV Lab, on trouve Mémoire d’Huron, collaboration entre Julie Luzoir, plasticienne et Francis Ramel, typographe. Dans le cadre d’un programme immobilier à Illkirch-Graffenstaden, ce projet artistique propose une signalétique mémorielle témoignant du passé industriel du site. Avec des matériaux récupérés et l’appui technique de Thibault Ménoret, fablab manager et designer, plusieurs pièces ont été conçues et usinées dans le fablab et une menuiserie sur site. 

Bliiida (Metz)
Situé dans une ancienne friche industrielle, Bliiida est un tiers-lieu de 30 000 m² regroupant 63 structures résidentes. Son écosystème pluridisciplinaire inclut l’artisanat, les métiers d’arts, le spectacle vivant et la musique. Le fablab Mido, créé en 2018, propose des machines mutualisées pour les résidents et les publics extérieurs. Lucie Allard, éco-designeuse spécialisée dans le réemploi des matériaux, y a développé plusieurs projets. Utilisant des matériaux récupérés au fablab et dans le tiers-lieu, elle préfabrique ou fabrique des objets et du mobilier. Par exemple, pour le Metz Design Festival, elle a conçu des tabourets en moquette et bois, et des vases en cuir récupéré. Le fablab permet de produire en série, répondant ainsi à des commandes spécifiques comme des urnes funéraires pour animaux de compagnie.

Rédaction Lucile Colombain-Corbineau

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